[Ma vie aux Tuamotu - Atoll de Manihi] Épisode 5
Les questions qu'on me pose souvent sont les suivantes : 'comment est-ce que tu t'es retrouvée aux Tuamotu et comment as-tu fait pour découvrir le travail des fermes perlières ?'
C'est simple !
Lorsque je suis arrivée en Polynésie, seule, sans travail et sans connaître grand monde (soit 2 personnes !) j'ai ouvert mes yeux et mes oreilles pour voir, regarder et écouter. Je suis allée visiter Moorea pendant un week-end et j’ai su de suite que c’est là que je voulais prendre mon année sabbatique.
J'ai loué une maison au bord du lagon, à Haapiti exactement, pour en profiter pleinement. Cela a duré 3 mois. Quel bonheur ! Ne rien faire mais bien le faire !
Puis, de fil en aiguille, je me suis retrouvée à travailler en ville. 'En ville' cela veut dire à Papeete. D'abord, chez Tahiti Tours, où j'ai appris la géographie de la Polynésie pour assister les touristes et où j'ai rencontré une équipe hyper sympa. Je prenais le ferry pour aller travailler et mon ‘métro, boulot, dodo’ s’était transformé en ‘bateau, boulot, dodo’ avec de très belles rencontres et rigolades lors des traversées quotidiennes.
Puis, je suis allée travailler pour un négociant en métaux précieux. Le négoce étant mon premier métier j'étais presque comme un poisson dans l'eau. J'ai surtout rencontré des perlicultrices qui achetaient de l'or et de l'argent pour monter les perles qu'elles récoltaient dans leur ferme. J'ai donc découvert qu'il y avait plein de fermes perlières et qu'elles étaient très largement situées dans les lagons des atolls des Tuamotu.
Alors après quelques mois de travail, j'ai démissionné car l'envie d'aller voir tout cela de près me titillait vraiment !
En outre, j'étais quand même allée en Polynésie pour faire de la plongée bouteille alors il me fallait découvrir les passes des atolls si réputées pour des plongées incroyables avec les requins et les dauphins. J'ai donc découvert Tikehau puis Rangiroa. C'est là que vraiment je me suis sentie à ma place. Sur ces bouts de 'terre' faits de sable et de coraux où les habitants sont tellement connectés à la Nature.
Puis après ce 1er voyage, une amie rencontrée à Papeete chez le négociant en métaux, me demande d'aller remplacer la responsable de la boutique de perles dans l'hôtel du Manihi Pearl Beach. Elle part en vacances 15 jours et personne ne veut aller la remplacer car il n'y a rien aux Tuamotu ... D'abord, je refuse car je veux continuer à voyager et à plonger. Puis, comme elle insiste n'ayant pas d'autres possibilités, nous tombons d’accord : je peux plonger le matin dans le club de l'hôtel et je travaille de 14h à 22h. Bon deal non ? Me voilà donc à l'hôtel où je ne connais bien évidemment personne. 1ère surprise : le directeur me dit qu'il n'y a plus de bungalow de disponible pour les travailleurs donc il m'a réservé une chambre client !!! 2 semaines face au lagon dans une chambre sublime avec un hamac juste devant au cas où je serai fatiguée ... Puis je rencontre Wendy que je dois remplacer. Elle est adorable mais speed car elle part le lendemain. Et là, 2ème surprise, elle m'annonce que je dois faire visiter leur ferme perlière à 8 américains. 'Ah ok très bien mais qu'est-ce qu'une ferme perlière ?' Je prends donc un papier, un crayon et j'écoute Wendy me faire un cours de 2h, bien sûr en anglais car déjà que je n'y connais rien en français autant apprendre tout de suite en anglais pour la visite du lendemain. Le soir, j'apprends mes notes par coeur.
Le lendemain matin, je retrouve mes clients et nous voilà partis vers la ferme perlière qui se situe de l'autre côté de l'atoll. A l'arrivée, je dois faire semblant évidemment de connaître Henri (sur la photo), le chef de ferme, et tous les employés. Je suis légèrement tétanisée à l'idée de présenter un métier que j'ai découvert la veille mais Henri aura une phrase qui restera gravée dans ma mémoire : 'ne t'inquiètes pas ! Ils ne savent pas que tu ne sais pas !' Mais oui il a tellement raison : alors j'y vais, je répète mon cours et Henri leur montre les huîtres sur les chapelets puis entrouvertes et il en greffe plusieurs afin de leur faire de beaux souvenirs ! Je ne devais pas être complètement épatée par ce qu'il faisait car j'étais sensée connaître tout cela comme ma poche. Je suis tombée en amour (comme disent les Québécois) pour ce métier ce jour-là !
Le lendemain, 3ème surprise, Philippe, qui deviendra un ami dont je vais vous reparler très bientôt, que je ne connaissais pas du tout, est venu me voir à la boutique. Des amis communs l'avaient prévenu que je travaillais à l'hôtel 2 semaines. Il m'a demandé ce que j'avais de prévu le week-end suivant ... ben rien puisque je viens d'arriver et que je ne connais personne. Alors il m'invita à aller chez Thierry qui avait une ferme perlière au secteur c'est-à-dire à l'autre bout de l'atoll. Évidemment j'y suis allée ! Je fus tellement enthousiaste de découvrir ce métier que j'ai demandé à Thierry de pouvoir revenir pendant un mois, après mon travail à l’hôtel, pour en apprendre plus. En échange, je fais un gros plein de courses de nourriture à Papeete et je reviens les bras chargés de produits frais, de légumes et de fruits ! Il a dit oui et ce fût une expérience inoubliable… Le week-end qui suivait mon retour sur Moorea, je rencontre cet homme qui me propose d’aller créer une ferme perlière avec lui sur l’atoll de Ahe qui est l’atoll voisin de Manihi …
Le hasard existe-t-il ? En tout cas, j’y suis allée et vous avez commencé à découvrir la vie là-bas
A suivre …
Nathalie

[Ma vie aux Tuamotu pour créer une ferme perlière] - Épisode 6
En cette période de la Nativité j’ai envie de vous raconter l’épisode de ma grossesse sur le motu. En février 2001, je sens qu’il se passe quelque chose. J’ai une forme olympique et une énergie débordante. Je vais au village voir Jérôme, l’infirmier, lui demander s’il a un test de grossesse. Il n’avait pas grand-chose faute de réfrigérateur pour conserver notamment les vaccins mais ça c’était en stock. Et le résultat est positif. Je suis enceinte. Enceinte sur un motu au milieu du Pacifique avec juste mon amoureux. Je suis tellement heureuse.
Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, la cabine téléphonique, enjeu des élections municipales de 2001, a été installée au village ! Je vous raconterai cela une prochaine fois. Cette cabine me permet de prévenir mes parents de cette merveilleuse nouvelle. Ils n’étaient pas aussi zens que moi car ils pensaient qu’évidemment j’allais retourner tout de suite sur Tahiti. Ah non ! Je suis hyper bien aux Tuamotu. Je suis éloignée de tout donc les virus ne pouvaient pas m’atteindre (aujourd’hui ça résonne différemment à nos oreilles !). Je pensais à la dengue bien sûr. J’étais très optimiste car je l’ai finalement attrapée. Elle m’a clouée au lit durant des jours avec un mal de tête invraisemblable et rien pour le calmer car il y avait une épidémie sur l’atoll ! Il n’y avait pas assez de doliprane pour tout le monde …
Bref, je suis enceinte et aux Tuamotu : 2 raisons suffisantes pour être ‘prise en charge comme une fille des Îles’ qui ne connaît pas bien Papeete où je dois me rendre pour faire les échographies. Les billets d’avion sont pris en charge par la CPS (Caisse de Prévoyance Sociale) comme pour les ‘évasans’ ou ’évacuations sanitaires’. Tout est donc organisé au village (comme au Club Med !) : billets d’avion + rdv à la ‘maison des Tuamotu’ à Papeete + rdv chez le gynéco de Cardella Dr Gelberg. Pourquoi à la clinique ? Pourquoi avec ce taote (médecin) ? Mystère : je ne discute pas, je suis le parcours. Je suis sur un nuage !
Pour la 1ère échographie je prends l’avion pour me rendre en ville donc à Papeete. J’arrive à Faa’a, à l’aéroport, en chaussure plastique telle une paumotu. Au départ de Ahe, il n’y avait pas de quai à l’aéroport donc je devais sauter du bateau dans 30 cm d’eau au bord du motu où la piste avait été construite par les légionnaires. Comme je vivais avec ces ‘tia plastiques’ depuis des mois je n’avais même plus pensé qu’en ville je pouvais porter d’autres chaussures … ça faisait rigoler mes amies de me voir ainsi ! Je fais donc le parcours tel que décrit et tout se passe à merveille. J’en profite pour aller faire le plein de courses chez Carrefour. Et là c’est dingue : je suis émerveillée et déboussolée devant tant de nourriture ! J’y reviendrai. J’achète plein de choses, je prépare des cartons et une glacière de frais que je mets sur le Dory, au départ de Papeete, la goélette qui livre Ahe le mercredi. J’ai besoin de me nourrir d’autres choses que du poisson et du riz pendant les prochains mois !!! Heureusement je n’ai jamais eu des envies de fraises mais franchement je n’en pouvais plus du poisson. D’autant que rien que l’odeur me donnait la nausée !
Sur une photo, vous voyez que les choses évoluent au fil des mois de grossesse : les bassines de nettoyage sont passées du sol, comme au tout début, à un peu de hauteur. Mon chéri avait accroché une palette en bois à un tronc de cocotier et tout était posé là. Au fur et à mesure des mois et de la taille grossissante de mon ventre il découpait un arrondi de plus en plus grand ! C’est beau de savoir adapter son mobilier non ?
Pour la 2nde échographie, je décide de corser un peu le voyage … J’ai envie de rentrer à Papeete mais cette fois à bord du Dory (photo), la goélette de marchandises. J’ai le temps et j’ai envie de découvrir l’Océan Pacifique à bord d’un bateau comme faisaient les voyageurs d’avant. Prendre le temps de regarder la mer, de regarder l’équipage s’affairer, de regarder la valse des déchargements sur chaque atoll, de regarder les pêcheurs remplir les glacières de poissons fraîchement attrapés dans les parcs pour être vendus au marché de Papeete (atoll de Arutua), discuter avec les quelques rares passagers, avec les gens rencontrés aux escales de Manihi, Arutua et Kaukura. Je suis un peu E.T sur ce bateau car une popa’a seule et enceinte ce n’est pas très commun. J’ai été tellement chouchoutée par l’équipage ! ça ne m’a pas empêché d’avoir le mal de mer mais ils étaient vraiment aux petits soins avec moi durant les 3 jours de voyage. J’ai souvenir de n’avoir strictement rien fait pendant ce voyage ce qui ne m’arrive jamais. C’était bien exceptionnel de se laisser aller au rythme des vagues et des escales.
A la 2nde écho j’apprends que je vais avoir une petite fille et qu’elle est en pleine forme ! Oh joie !
Je finis donc mon temps de grossesse sur le motu à faire des chapelets c’est-à-dire des bouts qui serviront à suspendre les huîtres perlières. Sur chaque bout de 4 m je dois faire 10 nœuds. Pour qu’ils soient réguliers mon chéri avait planté 10 clous sur une planche et je faisais un nœud sur chaque clou.
Je prenais soin de moi en étant dans l'eau quasiment toute la journée ou dans le hamac. Je n’allais plus sur le bateau remonter les huîtres par centaines de kilos chaque jour pour le nettoyage ou autre préparation à la greffe.
A 7 mois je dois rentrer à Tahiti car la compagnie aérienne, Air Tahiti, comme toutes les autres compagnies ne veut plus transporter de femme enceinte après le 7ème mois. Je vais attendre l’heureux évènement loin du motu mais chez des amies. Il sera programmé afin que le papa soit bien là le jour J. Le taote me dit que c’est ce qui se fait beaucoup chez les femmes de marins … OK encore une fois je ne discute pas. Je suis tellement heureuse de vivre cette grossesse entre le lagon de l’atoll, le motu avec nos 2 chiennes qui sentent bien le changement et mon chéri qui semble vraiment très ému de voir mon ventre s’arrondir. Kahaia naitra en septembre 2001 et nous repartirons toutes les 2 vers l’atoll de Ahe un mois plus tard. Les médecins, gynéco et pédiatre, doivent être sûrs que la maman et le bébé vont bien avant de les laisser repartir si loin dans le mois qui suit la naissance.
A suivre …
Nathalie